Vivre un affût d’observation
Ce jour-là, Marianne et moi avons décidé de faire un affût d’observation, un petit plus à notre sortie survie douce. Vivre une nuit dans les bois au milieu des animaux. Voilà l’expérience que nous avons voulu vivre.
Pour fêter la licence !
Marianne est super heureuse, elle vient de décrocher sa licence. Elle voudrait faire quelque chose de spécial pour fêter cela. Et c’est là qu’est venue l’idée de passer une nuit au cœur de la forêt en affût pour observer la faune qui y vit et bien sûr, en mode survie douce.
Nous choisissons une nuit de pleine lune afin de mieux voir. En plein dans la semaine, ni Luc, ni Maïna ne peuvent nous accompagner. De toute manière, l’idée de passer du temps juste entre mère et fille nous plaît bien.
Un chemin épique
Nous voulons vraiment trouver un endroit isolé loin de toute vie humaine et pour nous y rendre, c’est l’aventure. Notre parcours est jonché de ronces qui nous lacèrent les jambes, de jeunes acacias qui nous écorchent les bras. Nous escaladons des arbres tombés au sol. Comme notre « chemin » est dans un creux, ces derniers nous barrent littéralement le passage. C’est lancinant surtout avec cette chaleur étouffante mais nous sommes ravies cependant. Si le chemin est coriace, nous sommes certaines de ne pas être dérangées par d’autres personnes.
Une ancienne borne nous indique la présence d’une fontaine, ce que nous avions repérée sur la carte. Qui dit fontaine, dit eau et donc, lieu où les animaux viendront s’abreuver.
Nous rencontrons ensuite une pente très raide avec peu d’arbres pour se retenir et toujours beaucoup de ronces. Nous manquons de tomber en plusieurs fois. Un passage terreux dégagé tente Marianne. Elle le transforme en toboggan.
Trop peur pour mes précieux appareils photos, je préfère contourner par un endroit qui semble moins glissant. Enfin, un peu moins.
Nous arrivons enfin.
Cliquez ici pour découvrir notre première sortie en survie douce dans le Jura.
Notre petit coin de paradis
Nous ne voyons pas la fameuse fontaine, de toute évidence perdue dans la verdure, mais des plantes aquatiques.
Nous sommes un peu déçues. Il n’y a plus d’eau, évaporée par les fortes chaleurs. Cependant, quelques flaques d’eau subsistent et dans la boue gorgée d’eau des empreintes récentes. Bingo ! Nous nous installerons donc dans le coin pour la nuit.
Le lieu est magnifique. Nous nous y sentons bien. Un petit promontoire nous semble être le poste d’observation idéal pour notre affût.
Une petite pause s’impose. Le chemin était plutôt fatigant. Mais nous n’avons pas le temps de nous laisser aller trop longtemps. Nous devons être sûres d’avoir tout installé avant la nuit.
Montage de notre affût d’observation
C’est parti !
Dans le coin que nous avons choisi, se trouvent un petit groupe d’arbres. Nous nous servons d’eux pour maintenir la structure de notre construction.
Par chance, la forêt regorge de longs morceaux de bois, voire carrément des troncs mais assez fins pour être utilisés. Nous partons les collecter un peu partout. Nous n’en trouvons pas autant que nous voudrions malgré tout mais cela devrait aller quand même.
Un problème se pose : comment recouvrir notre abri ? La végétation se limite essentiellement à de la ronce. Nous partons chercher au loin et dénichons de la fougère qui nous permet de recouvrir une partie. Nous complétons finalement avec des brindilles récupérées sur le bois tombé.
A table !
En chemin, nous avons réussi à dégoter quelques plantes : plantain, égopode, ortie, graines de berce pour parfumer… Rien de bien consistant mais nous avions emmené avec nous un peu de farine.
Nous préparons notre repas assez tôt, vers 17 heures, éloigné de notre affût d’observation pour être sûres que cette odeur inhabituelle dans une forêt ne fasse pas fuir les animaux de la nuit.
Marianne creuse un trou dans le sol et commence à allumer le feu. Le mettre en route est périlleux mais quand les flammes arrivent, très vite, elles grandissent. Trop vite, nous devons même un peu calmer le jeu. Heureusement que rien ne se trouve à proximité : Marianne avait préalablement dégagé un coin de terre loin des arbres. Nous gardons aussi des bouteilles d’eau à proximité au cas où.
Nous nous préparons une soupe qui ressemble plus à une tisane mais c’est plutôt bon. Ensuite, viennent les chapatis. Et là, nous échouons lamentablement. Avec trop d’eau dans la pâte, celle-ci ressemble plus à du slime. Nos vagues galettes restent mangeables malgré tout.
Pour fêter sa licence, Marianne aurait voulu faire cuire des marshmallows sur le feu mais le magasin, où nous étions passée la veille, n’en avait pas. Nous n’avons trouvé que des nounours dont le contenu se rapprochait des chamallows que nous avons caramélisés lors d’une autre sortie survie douce.
Et bien, c’est faux… Notre première expérience a fondu tristement sur les pics.
Nous avons donc englouti deux de leurs confrères sortis du paquet. Pas plus, car c’est vraiment trop sucré.
Le repas terminé, nous avons recouvert de terre ce qu’il restait du foyer pour être sûres qu’il soit vraiment éteint.
Dans notre affût d’observation
Nous regagnons notre « cabane ». Nous parlons encore un peu, faisons quelques jeux et laissons le silence s’installer.
Notre espace ne permet pas de s’allonger à deux. En effet, même si nous avons la place pour les deux sacs de couchage, l’un des côtés est glissant. Nous décidons que nous dormirons à tour de rôle. Celle qui fera le guet préviendra l’autre dès qu’il y aura du mouvement.
En vérité, personne ne dort vraiment. Ni nous, ni la forêt. Les oiseaux chantent de partout. Combien de chants différents ? C’est vraiment difficile de les distinguer tous, surtout que nous ne sommes pas des expertes.
Nous n’entendons ni le loup, ni le renard chanter mais…
20h40 : Marianne me fait signe. Des bruits de déplacement se font dans les ronces à une vingtaine de mètres de nous. Nous observons les yeux écarquillés le secteur. Une belette en sort. Ce n’est pas un animal que nous pensions croiser. Attentive à ce qu’elle fait, elle ne fait pas attention à notre espace. Captée par la scène, je ne réagis pas assez vite. Après quelques instants, je réalise que je pourrais faire une photo, quel esprit vif ! Comme une idiote, j’ai réuni mes appareils photo au même endroit et bien sûr, pas du côté où se trouve l’animal. Je dois faire des gestes lents et silencieux. Le temps que l’appareil soit en main, la belette est partie plus loin, quelle tristesse 🙁 .
Ce qui est encore plus triste, c’est de se tromper dans l’identification de l’animal 🙂 . Après vérification à la maison, nous découvrons que notre belette est en fait une hermine.
Le bout de la queue de l’hermine est noire mais ça, nous ne pouvions pas le voir. Ce qui nous a fait comprendre que ce n’était pas une belette, c’est la taille de l’animal. La belette mesure une vingtaine de centimètres alors que l’hermine en fait quasi le double.
Un coup de feu dans la nuit
22h20 : La nuit est là et les derniers chants d’oiseau se taisent peu à peu puis, le silence, ou presque, les criquets marquent leur présence. C’est là que nous réalisons que des petits bruits se font partout autour de nous. La forêt est grouillante de vie.
Nous entendons plus spécifiquement un petit animal marcher tout près de nous, nous ne le voyons pas mais nous pensons qu’il s’agit d’un hérisson. D’abord, il furète sur un talus, au milieu des ronces,. Ensuite, nous l’entendons tomber et dévaler la pente puis, nous percevons ses petits pas au milieu des feuilles mortes. Son petit manège dure un certain temps. Cela nous amuse beaucoup.
Ce qui nous plaît moins, c’est le coup de feu un peu plus tard. La saison de la chasse est passée mais cela pourrait être un braconnier. Nos regards se croisent, nous nous sentons mal à l’aise. Le pire, c’est que nous ne pouvons pas quitter notre poste d’observation. Le danger serait plus important encore avec la nuit.
Par chance, aucun autre coup de feu ne suit. Le calme se réinstalle dans nos esprits. Peut-être était-ce, finalement, dans une ferme, au loin, pour éloigner un renard trop près d’un poulailler. Nous avions entendu un coq chanter au coucher du soleil et avons pu confirmer la présence de ce prédateur dans les parages (empreintes, renardières, crottes). Cette théorie n’est donc pas impossible.
Les crapauds et les grenouilles croassent au loin pendant quelques temps et, à nouveau, le silence.
Obélix aurait bien aimé…
Cette fois, c’est moi qui appelle Marianne. Un bruit important venant de notre droite martèle le sol. Même si cette nuit de pleine lune ne nous permet pas de tout voir, nous avons clairement à faire à une harde de sangliers.
Nous savons que nous ne sommes pas juste à côté du lieu de leur passage et notre affût d’observation est surélevé. Mais il n’en demeure pas moins que nous sommes impressionnées et un peu effrayées. Nous nous tenons la main en retenant notre souffle. Ils sont là, tout près. Nous sommes profondément émues. Nous les entendons fouiner dans le sol. Petit à petit, le bruit diminue. Nous supposons qu’ils se sont installés. En effet, nous ne les avons pas entendus s’éloigner.
Nous n’avons plus peur car nous comprenons que si nous restons dans notre coin, il n’y a pas de raison qu’ils s’en prennent à nous. Nous nous sentons apaisées malgré ce voisinage particulier.
La nuit s’écoule tranquillement sans d’autres aventures.
Les joies de l’alpinisme
Très tôt le matin, nous décidons de partir. Même si les sangliers semblent partis, nous n’osons pas défaire notre affût d’observation au cas où. Cela pourrait faire du bruit.
Si le chemin était une descente vertigineuse à l’aller, il devient une montée infernale au retour.
Celle-ci est difficile d’autant que nous n’avons rien pour nous retenir en cas de chute. Ce que nous manquons tout juste de faire à chaque instant de l’ascension. Bon, j’exagère, il y a toujours les ronces…
Nous parvenons glorieusement au sommet. Complètement épuisées, nous faisons donc une pause. Heureuses de notre aventure, nous attaquons le reste du chemin avec bonheur 🙂 .
Racontez-nous dans les commentaires si vous avez-vous déjà vécu un affût ou si vous aimeriez en faire un.
20 réflexions sur « Vivre un affût d’observation »
Oh, quelle super expérience ! J’adore faire des affuts en forêt, mais y passer la nuit est encore plus impressionnant 🙂 Une hermine et des sangliers, de belles rencontres !
La nuit rend l’expérience plus intense 🙂
Merci pour ton retour
Quelle aventure ! Mère et fille, vous êtes courageuses! Merci pour ce partage d’expérience, j’ai hâte de lire d’autres aventures . Au fait, c’était quelle forêt?
C’est une petite forêt à quelques kilomètres de chez nous, dans la côte chalonnaise.
Faut oser le faire tout une nuit, chapeau pour l’aventure de nuit à l’affut! Je n’ai jamais eu l’occasion de rester dans la foret la nuit à l’affut mais ça donne envie. Par expérience, j’ai eu a travailler de nuit en agriculture et il m’est arrivé fréquemment de croiser renards, lièvres, sangliers ou chevreuils toujours un émerveillement!
J’avoue, on ne se lasse jamais de ces rencontres 🙂
Superbe récit, c’est comme si j’y étais 🙂
Merci.
Ton commentaire fait très plaisir 🙂
Quelle belle expérience ! En plus, avec ta manière d’écrire, on a l’impression d’être avec vous… j’ai même retenu mon souffle pendant le passage des sangliers 😀
Ce que tu dis fait plaisir 🙂 , je suis contente d’avoir réussi à faire partager ce moment intense que nous avons vécu
Wahou! Super expérience! C’est quelque chose qui me tente beaucoup…mais je sais que j’aurais peur du début à la fin! lol! J’imagine la peur après le coup de feu! Justement ce soir, j’étais sur ma terrasse avec mon ordi, quand j’ai entendu un coup de feu. Pas mal de braconnage par chez moi! Ben j’étais pas bien et pourtant j’étais à 2 m de chez moi!
J’avoue que je ne me sens pas bien à l’aise avec les chasseurs de manière général, alors de nuit, c’était vraiment l’angoisse 🙁
Merci pour le partage de cette belle expérience. C’est encore trop tôt à tenter pour moi.
Bravo à toutes les 2 !
C’est bien de tenter ce genre d’expérience à plusieurs, c’est plus rassurant 🙂
Bravo pour votre article et également pour votre courage! C’est très bien écrit sur le ton narratif, on s’y croirait presque! Pour moi c’est un rêve que je reposse sans cesse d’aller bivouaquer – par manque de préparation à la survie dans la nature :-/
Ce que nous faisons, c’est de la survie douce, voire très douce. C’est un bon début, très rassurant pour tenter ce genre d’expérience
Je te conseille de lire « Le guide de la survie douce » de François Couplan qui est vraiment bien expliqué et qui apporte beaucoup d’informations même pour les débutants
Ouah, c’est super à lire 🙂 avec un peu de suspense aussi ! Cela fait comme un rituel de passage pour ta fille, et en effet, une aventure inoubliable ! J’avais pensé à faire ça dans les Pyrénées pendant le brame du cerf, en montant toute la nuit dans un arbre,… mais je ne suis pas passée à l’action malheureusement.
Waouh ! Cela peut être une chouette expérience ! Tu peux le tenter avec des amis, c’est plus rassurant et à plusieurs, on est plus facilement inciter à passer à l’action.
Waow! Super aventure, et très bien racontée. ça donne envie de tenter la même chose!
Merci pour ton retour 🙂